A l' infinitésimal...

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Le Noël de Capucine à Pives-sur-Pins

 
Pives-sur-Pins est un joli bourg assez tranquille situé dans un petit pays dont le drapeau a les couleurs du Père noël, produit
beaucoup de chocolat et de fromage, a des hivers souvent très blancs et de belles montagnes. C’est dans cette petite bourgade que notre amie Capucine est née, vit et travaille. Capucine est bibliothécaire et travaille dans une bibliothèque de quartier avec Emily, son assistante, Michel, hard rockeur à la retraite qui s’est reconverti en entamant l’article 41, et Kevin, jeune étudiant en graphism
https://static.blog4ever.com/2010/05/412165/capucine.jpge, qui se fait des sous en donnant un coup de main à l’équipe quelques heures par semaine.

 

Capucine est un phénomène à elle toute seule. Elle est curieuse, intellectuelle, artiste à ses heures (elle crée des œuvres artistiques provenant d’objets récupérés qu’elle entrepose à la bibliothèque ou parfois chez un ami galeriste), elle possède deux chats, un furet et un cacatoès, qu’elle a sauvé d’une mort certaine en le récupérant in extremis chez un trafiquant d’oiseaux exotiques, elle joue du banjo, elle étudie le latin mais son passe-temps actuel est d’apprendre le finnois car elle rêve d’avoir une petite maison en bois au pays du Père Noël. Il faut dire qu’elle est raide dingue de ce monsieur barbu, de ses rennes et de cette ambiance de cheminée et bois brûlé, de cannelle et d’invités. Cette année, elle n’a pas encore prévu grand-chose pour Noël si ce n’est de le passer avec Mozart et Marley ses deux chats, Jessie James son furet, Calamity sa cacatoès et inviter sa grand-mère, Martha qui revient d’un voyage en Australie qu’elle a réalisé sac-à-dos. Cette dernière comblera l’absence de ses parents en stage spirituel au Népal. À vrai dire, elle ne risque pas de s’ennuyer avec sa grand-mère car c’est une globetrotteuse du tonnerre.

 

Noël approche à grands pas, c’est l’euphorie à la bibliothèque de Drôle-de-Pin car il est l’heure de préparer l’animation qui se tiendra le 22 décembre. Capucine a fait l’impression des flyers que Kevin diffuse en parcourant la ville en bicyclette, écolo oblige. Emily a mis à jour le blog. Il faut savoir que la bibliothèque n’a pas les moyens de détenir un véritable site internet et payer les services d’un informaticien car l’Etat n’a plus de sous (il faut comprendre, les réunions « apéro-petits fours » sont nombreuses car elles portent sur des enjeux de grande valeur qui concernent des gens qui ne sont pas là alors il faut réfléchir et trouver un accord, ce qui est presque mission impossible mais l’espoir est là et le plus simple est de reporter la réunion et les petits fours, se revoir, rediscuter et redéguster les petits fours en espérant qu’ils apportent, avec les calories, des actions concrètes. Ce n’est pas facile tout ça, faut les plaindre ces mangeurs de petits fours) donc le blog, presque gratuit, était plus simple à obtenir.

 

Le 22 décembre est là. Michel, quelque peu grognon, aime quand même accueillir les enfants et s’occuper du coin aux contes en jouant le rôle du Père Noël. D’ailleurs, il s’y colle bien car il possède déjà la barbe, il ne lui manque que le costume mais Kevin en a trouvé un dans un vieux carton. Les pâtisseries prennent place, les décorations ornent les murs et l’escalier. Un joli sapin se dresse au centre et à son pied des paquets-surprise attendent les enfants. Le coin aux contes est très confortable : coussins, couverture et un matelas bien moelleux. Le public est présent. Vin chaud, thé à la cannelle et biscuits comblent les papilles. La journée est un succès. Les enfants repartent ravis de leurs cadeaux (livres et chocolats) les yeux brillants d’émotion d’avoir voyagé dans le grand Nord, braver le froid polaire ou encore visiter la maison des rennes et des lutins. Capucine s’est prise, elle aussi, au jeu et a même cru voir des ombres se faufiler dans les rayons entre les livres. Quand tout le monde est parti, l’équipe de super bibliothécaires range, ordonne, nettoie et se prépare à fermer le lieu sacré pour quelques jours de fête. Chacun demande à l’autre ses projets. Kevin va passer les fêtes avec sa petite amie qu’il invite chez ses parents en montagne. Emily rentre en Angleterre voir sa famille. Quant à Michel, qui n’aime pas vraiment les fêtes de fin d’année, cela va être un moment comme les autres, il va retaper, si le temps le permet, son cabanon dans le jardin, gratter un peu sa guitare et faire un bonhomme de neige avec son neveu.

Capucine, elle, a décidé de ne rien prévoir de particulier et surtout de ne pas répéter la situation du Noël précédent où elle avait fêté en compagnie d’Ernesto, un charmant jeune homme qui semblait avoir tout pour plaire : intelligence, dynamisme, éloquence, elle s’était laissé charmer quelques temps mais elle observa chez lui des actes de nonchalance extrême qui commencèrent à l’irriter grandement. Par exemple,  après quelques semaines, elle avait constaté qu’il n’avait toujours pas remplacé chez lui l’ampoule du hall d’entrée qui condamnait la pièce à une obscurité quasi monacale ou encore un jour qu’ils faisaient les courses ensemble, il n’avait pas proposé de l’aider à porter les sacs car il était au téléphone mais la déclaration de rupture fut le soir de Noël quand elle était arrivée chez lui, qu’elle pensait qu’il lui avait préparé un doux repas qui aurait pu tout faire oublier mais il l’attendait elle, paisiblement installé sur le canapé, une bière à la main, les pieds sur la table, pour préparer le repas pour lui et ses amis. Toutes ces observations ont commencé à faire douter Capucine de sa ressemblance à un certain Che. Il s’est avéré qu’Ernesto était plutôt « Ernest le poil dans la main » et ne possédait que le prénom du célèbre personnage. Le soufflé est retombé et Capucine a détalé.

 

Alors cette année, elle a décidé que tout serait différent. Elle profite de faire les courses quelques jours avant que cela soit la foule dans les magasins comme lors de la fin du monde et profite d’acheter un délicieux ragoût pour Mozart, Marley et Jessie James, un mélange royal de graines et de fruits pour Calamity tandis qu’elle prépare pour elle et sa grand-mère un velouté de potiron en entrée, le gratin de cardons qu’elle adore et une poêlée de morilles avant de passer au plateau de fromages et au dessert. Les jours filent, les heures courent, les minutes disparaissent aussi vite que l’aiguille avance. Capucine est dans sa cuisine. A moitié-excitée, à moitié-nostalgique, elle s’empresse de sortir la vaisselle, de préparer une jolie table, d’ajouter les dernières décorations et déposer des bougies un peu partout. Elle adore les bougies, Capucine. La neige est là. C’est génial. Elle ne pourrait pas passer Noël sans cet éclat blanc et ce silence qu’il procure. Bien qu’elle ait le temps maintenant car tout est presque prêt, elle a une boule au ventre. Elle se réjouit de ces instants de magie que lui donne cette fête. Il faut dire que bien que Capucine soit militante, féministe, latiniste, végétarienne, écoute du métal comme du classique, elle est une rêveuse et aime la magie. C’est le contraste vivant, Capucine.

Quoi qu’il en soit, il est l’heure d’allumer le sapin, les bougies, de préparer quelques petits amuses bouches et d’enfourner le gratin. Quand soudain, l’obscurité totale. Capucine se retrouve dans le noir, le gratin dans les mains. Elle jure avec des mots qui ne seront pas cités ici. Elle essaie de distinguer la table pour déposer le gratin avant qu’il n’en reste que des morceaux sur le sol. Il est vrai que c’est un vieil immeuble qui n’a pas reçu beaucoup de visites du propriétaire et de la régie ce qui fait que les installations électriques lâchent facilement si tout le monde s’y met. Et là, Capucine a fait sauter les fusibles en branchant le sapin, le four, le mixeur et la lumière de la cuisine, ça fait peut-être un peu beaucoup pour une boîte électrique des années 60. Elle va ouvrir la porte d’entrée et découvre que tout l’immeuble est dans le noir. Zut, ce n’est pas que son appartement qu’elle a fait sauter. Elle cherche, à tâtons, une lampe de poche dans l’armoire et descend à la cave voir les fusibles. Il ne manquait plus que ça.

Sitôt arrivée en bas, elle franchit la dernière marche et glisse sur quelque chose au sol qui l’a fait tomber dans la poubelle la tête la première. Maladroite ou faute à pas de chance, décidément c’est la tuile. Elle n’arrive pas à sortir, le poids du corps en bas ne lui permet pas de se remonter. Elle agite les jambes pour essayer de provoquer un balancier. Fort heureusement, la poubelle est presque vide, il n’y a qu’une vieille salade. Elle essaie de s’appuyer au fond quand elle entend du bruit. Elle est très mal à l’aise. Elle ne bouge plus en espérant que personne ne la voit dans cette position mais ce n’est pas possible et bien trop tard. Son voisin est descendu voir ce qu’il se passait suite à la coupure d’électricité. Il était justement en train de préparer un gratin quand la nuit l’a englouti.

Capucine n’a pas de chance, il s’agit d’Alexandre. Le voisin, dont elle adore les yeux, et qu’à chaque fois qu’elle le voit, elle rougit, transpire, balbutie quelques mots et se dépêche de remonter chez elle. C’est la tuile. Il va la voir dans cette position, il va s’en souvenir et il ajoutera ce détail à la mégère qu’il pensait avoir rencontré car c’est vraiment l’impression qu’elle a dû lui donner depuis le début et il en rira jusqu’à la fin de sa vie. Alexandre fait contrepoids avec la poubelle et prend la taille de Capucine pour la relever. Bref, l’opération « sortie de poubelle » est réussite. Ils cherchent la boîte des fusibles et constatent que plusieurs appartements sont grillés dont celui d’Alexandre. Il est très embêté car il devait cuire son gratin et réussir à trouver un électricien avec le matériel à cette heure et ce soir de Noël va tenir de l’ordre du miracle. Capucine prend son courage à deux mains, aligne plus de deux mots compréhensibles, et lui propose de venir chez elle. Il accepte et va chercher son plat pendant qu’elle remonte chez elle à toute vitesse pour voir si quelque chose ne doit pas être vu. Elle tourne comme une toupie, elle n’arrive pas à croire qu’elle ait dit ça. Elle range quelques vêtements qui traînent par-ci, par-là et dit à ses compagnons qu’une visite arrive et qu’ils doivent bien se tenir. A ce moment-là, elle entend Alexandre, derrière elle, s’excusant car il ne veut pas déranger si elle a du monde mais il est surpris de voir que les invités sont à poils et à plumes. Il est  étonné de voir un furet avec deux chats et un cacatoès mais il trouve ça plutôt chouette. Tous deux se mettent à la cuisine et chacun prépare son plat. Alexandre était censé l’apporter à un buffet canadien chez des amis mais étant donné le retard et l’heure à laquelle il arriverait, il va plutôt annuler. Il regarde Capucine et lui demande si elle accepterait qu’ils dînent tous ensemble. Un gratin pour lui tout seul c’est beaucoup trop. Voilà, qu’il fait chaud tout à coup. Capucine ouvre la fenêtre prétextant qu’il manque d’air et accepte la proposition. Pour une surprise, c’est une surprise.

La porte sonne, c’est Martha. Capucine est soulagée qu’elle soit là et Alexandre a l’air très heureux aussi de faire la connaissance de cette grand-mère globetrotteuse et écouter des anecdotes abracadabrantes d’Australie. Le repas est succulent, tout le monde se détend et rigole beaucoup. Capucine se sent de plus en plus à l’aise avec Alexandre, faut dire que Martha détend bien l’atmosphère avec ses histoires. Capucine en découvre un peu plus sur Alexandre et il n’a pas seulement un regard envoutant mais une gentillesse et un savoir-vivre très agréable. Il redescend quelques instants dans son appartement chercher une bouteille de vin, pendant ce temps Martha s’interroge. Capucine lui explique et les deux éclatent de rire. Quand Alexandre revient à table, il ouvre la bouteille et sert ces dames. De fil en aiguille, elles apprennent qu’il a des origines finlandaises par ses grands-parents. Martha lance soudainement un coup d’œil à sa petite-fille mais elle a déjà quitté la table pour rêver à une petite maison en bois.

 

 

 



25/12/2014
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